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La découverte russe du docteur Jean-Marie Thiébaud
Président des instances internationales de généalogie, ce médecin bisontin a retrouvé une partie des archives de la Bastille à la bibliothèque de Saint-Pétersbourg.
« C’était en avril dernier, je me trouvais à Saint-Pétersbourg pour y préparer le congrès mondial de généalogie… Je furetais dans le département des manuscrits de la bibliothèque nationale de Russie et je suis tombé sur un inventaire des Archives de la Bastille rédigé vingt ans plus tôt par la directrice de ce département. J’ai commencé à traduire et les jours suivants, je me suis fait communiquer des liasses d’archives. »
Joie et émotion du généalogiste, la découverte est d’importance. Il faut entendre le Dr Thiébaud, égrener, le verbe fécond et le ton allègre : « Tout était là. Des centaines de lettres de cachet de Louis XIV à Louis XVI, l’affaire des poisons avec l’interrogatoire de La Voisin, les messes noires célébrées à la Cour à l’instigation de Madame de Montespan, les meurtres rituels d’enfants, les incarcérations des amis de la Pompadour, les fouilles et les documents secrets saisis sur les prisonniers, les rapports de police, les libelles, les espions au service de la Suède ou de l’Allemagne, les rapports de la police secrète, les registres d’écrou, les mises au secret… »
Les archives découvertes recèlent les disgrâces ou arrestations de grands noms de l’aristocratie qui ont parfois fait la France, le duc de Richelieu, neveu du cardinal, le maréchal de Luxembourg, Thibaut de Chanvallon, intendant de Cayenne, le procureur du Parlement de Bretagne, et encore des jansénistes, des imprimeurs, des mousquetaires, Voltaire et la duchesse du Maine et Latude qui s’évada maintes fois, sans réussite de la Bastille et réclama des dommages et intérêts lors de sa libération sous la Révolution.
Ces liasses de documents représentent le tiers de l’intégralité des archives de la Bastille. Jean-Marie Thiébaud raconte : « IL s’agit là des archives qui se trouvaient à l’intérieur de la forteresse. Le 14 juillet 1789, alors que les Parisiens prennent d’assaut le symbole de l’absolutisme royal, libèrent sept prisonniers et promènent sur des piques la tête tranchée du gouverneur, le secrétaire de l’ambassade de Russie en France, Piotr Petrovitch Doubrovski, observe la scène. C’est un bibliophile et un collectionneur qui voit toutes les archives jetées en vrac des fenêtres du château. Avec ses domestiques, il en remplit des sacs et les porte à l’ambassade où elles vont rester durant onze ans avec d’autres trésors amassés par Doubrovski, notamment 8500 autographes de célébrités françaises et les archives des abbayes de Corbie et de Saint-Germain. De retour à Moscou en 1800, le secrétaire d’ambassade en fait don au tsar qui les fait déposer à la bibliothèque nationale russe dont Doubrovski fut d’ailleurs directeur. » Jean-Marie Thiébaud a édité une brochure comprenant la traduction de l’inventaire russe sur ces archives, complétée par des notes biographiques sur les personnages cités et des références bibliographiques.
Archiviste et internaute
Il travaille à la généalogie détaillée des Romanov et vient aussi de publier un ouvrage sur la famille princière des Galitzine. Ce spécialiste a trouvé en Russie « des archives merveilleusement tenues alors qu’on aurait pu croire à des ardeurs iconoclastes. On vous présente les sceaux des tsars ou les titres de noblesse accordés avec un infini respect et des gants pour ne pas les abîmer. » Bref, la passion généalogiste et le désir de renouer les fils de la mémoire volontairement rompus par les bolcheviks à partir de 1917, ont saisi la Russie. Heureux d’avoir pu intégrer la Russie et l’Ukraine au sein des instances généalogistes mondiales, Jean-Marie Thiébaud prépare son congrès mondial de l’an 2000 qui aura lieu dans sa bonne ville de Besançon…
Yves Andrikian
L'EST RÉPUBLICAIN, février 1998
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